Site :http://www.cowlarp.com/
Format : Nordique (Immersion, Collaboration, Artistic vision) / ébauche de personnage à compléter
Durée : 2,5 jours
PJ : 150
Lieu : Zamek Czocha, Pologne, Château hôtel, couchage en chambre.
Langue : Anglais (GN international)
Edition: 5eme
Prix : 375$
Je reviens du célèbre CoW, « College of Wizardry », qui est régulièrement édité en Pologne, inspiré du monde d’Harry Potter, pour sa 5e session avec beaucoup de choses à en dire.
Le site de jeu :
Un château extraordinaire totalement privatisé, des passages secrets derrière des bibliothèques, de beaux meubles, des bois, une rivière… Rien que ça, c’est assez exceptionnel et procure une immersion de très haut niveau.
Le style de jeu :
Tout d’abord, rien à reprocher à l’organisation. Le style de jeu est parfaitement défini dans le design document. À lire impérativement avant de penser à s’inscrire !
On vous accueille à l’aéroport, un bus vous attend pour aller sur site… Le niveau de service est présent !
C’est un format nordique, où vous avez une ébauche de personnage qui est proposée, ainsi qu’un guide pour vous aider à le construire selon vos souhaits. Ils annoncent la couleur. « C’est votre personnage, pas le nôtre ! »
Concrètement : si vous ne venez pas le jour du GN, cela n’aura absolument aucune incidence sur le scénario, car il n’y a pas d’intrigue écrite pour vous.
Les règles :
Il n’y en a pas. Tout est permis.
La magie étant hasardeuse, si vous lancez un sort, c’est l’adversaire qui en détermine l’effet et la durée. On vous lance un « Paralysae ! »: Vous décidez si vous l’esquivez, si vous le contrez, s’il vous touche partiellement, totalement, s’il vous touche et que vous réussissez à le briser par votre volonté ou par la baguette, etc. Pour un duel, le mieux est de se mettre d’accord avant.
La mort n’existe pas, sauf si vous la souhaitez. Vous réglez votre niveau de drame comme vous le souhaitez.
Si vous prenez une potion sur une table, vous pouvez tout à coup décider qu’elle contient un sérum de vérité que vous ferez boire à un autre joueur. Et pourquoi pas ? Après tout votre baguette magique fait la même chose tant que le joueur en face est consentant.
Sans règle, vous êtes maître de votre tension dramatique, vous pouvez rajouter ce que vous voulez, quand vous voulez.
Donc on s’ennuie ?
Pas d’intrigue, ébauche de perso, règles libres… On est loin des formats populaires en France avec des GN très scénarisés, backgrounds étoffés, stricts, avec trombi…
On m’a dit sur ce jeu à plusieurs reprises « c’est un bac à sable, tu dois venir avec ton jeu pour t’amuser » et je dois avouer que ça m’avait effrayé.
J’avais donc passé un peu de temps (mais très peu) dans les différents groupes facebook mis à dispo par les orgas et les joueurs pour construire nos histoires. Mais je n’aime pas les histoires sans surprise. Prévoir une relation amoureuse, puis lui demander de nous larguer en jeu, puis de finir à nouveau ensemble. Oui ça peut se prévoir, mais je n’aime pas ça.
Finalement j’avais construit un petit passif sur mon personnage, quelques ex-petites amies, quelques embrouilles, un ennemi, avoir participé à un rituel sombre qui a mal tourné et qui a causé la mort d’un camarade…
Pour être honnête, une fois en jeu, je n’ai joué AUCUNE de mes histoires pré-construites tant le jeu était dense. Aucun ennui à aucun moment, ça paraît fou vu le format, et je m’y attendais pas.
Les organisateurs sont très réactifs et peuvent vous proposer des PNJ à la volée selon votre envie pour animer vos scènes. Besoin d’un minotaure a minuit au sous sol de l’école, lors d’une escapade nocturne? Pas de problème.
On ne s’ennuie pas, au contraire.
Le design du jeu est intelligent, très intelligent.
En premier quelques ateliers par petits groupes, hors jeu pour rappeler le nécessaire, mais surtout vous encourager à vous lâcher et à sortir un peu de votre zone de confort. Brisez les règles, faites vous remarquer, soyez exceptionnel en tout sens. Quelques présentations pour nos collègues de notre maison de magie, comment lancer un sort, comment interpréter les effets qui sont toujours la décision de la victime, les safes words. Dans les maisons de magies, le jeu est segmenté en année. Les juniors, les sophomores et les Seniors, ce qui rend vos camaraderies plus limitées et crédibles, et apporte une hiérarchisation bienvenue.
Le jeu commence par une entrée dans le château, par école de magie, puis les professeurs se réunissent pour un discours, puis l’hymne est chanté par tous. Fédérateur, il apporte un sentiment d’appartenance assez fort. La première soirée est assez légère, après le discours a lieu le repas commun, qui vous permet de faire connaissance, à la fois avec vos collègues, mais aussi avec les Juniors, ces premières années sans Maison de Magie qu’il va falloir tester, chamailler, charmer, convaincre… Des fêtes étudiantes ont lieu ici et là, qui fonctionnent très bien en guise de « Ice Breaker ». Et la magie est partout ! Des bonbons aux effets désastreux, des boissons qui vous force à dire la vérité, des sortilèges qu’on vous jette discrètement, pour vous troubler… Les Maisons apportent un aspect familial très fort, des camarades, une fraternité, et évitent que les joueurs se sentent perdus dès le début du jeu.
À partir de minuit, un couvre-feu est en place : aucun étudiant n’est toléré dans les couloirs. Ce qui vous encourage à faire le mur discrètement (forcement, ça encourage à sortir) et si on vous attrape, ce sont des points en moins, ou une retenue après les cours. Quoi de mieux que de jouer à ne pas se faire attraper ? Se cacher dans le noir, jeter des sorts sur les professeurs par surprise pour les étourdir, ou esquiver les préfets… Pour aller dans la taverne, dans la forêt, dans d’autres chambres, aller parler aux fantômes, aller faire des rituels interdits, avoir un rendez-vous galant dans la « Tour ».
On vous propose plus de 6h de cours par jour, passant de classe en classe, de prof en prof, ce qui occupe énormément. En plus cela crée immédiatement du liant entre les personnages, et rajoute du fond commun aux discussions via cette expérience commune. Ces cours sont facultatifs, si vous préférez zoner dans le château ou à l’extérieur pour faire le rebelle, vous pouvez ! Pour vous encourager dans les cours, les professeurs distribuent des points (positifs ou négatifs) lors de vos interventions en cours. Raconter une expérience, poser des questions, répondre à une question vous fera gagner des points. Arriver en retard, discuter en cours, jeter des boulettes de papier, vous en feront perdre. La maison ayant le plus de points remporte la coupe en fin d’année, ce qui peut être un véritable objectif de groupe pour certaines maisons très orientées sur le prestige. On se prépare également pour le bal, trouver son(sa) cavalier(-ière), on apprend la danse traditionnelle de polka d’ouverture. À savoir qu’on va au bal forcément accompagné. Vous n’avez pas de cavalier(-ière) ? Les PNJs sont là pour ça ! Pourquoi ne pas aller chercher un animal en forêt pour le transformer en compagnie pour la soirée ? Invoquer un être extra-planaire ? Tout est possible.
Nous sommes dans le monde réel, mais magique. La situation est familière pour tout le monde, on connaît le monde, les références, on peut parler de politique ou de réchauffement climatique. C’est donc difficile de s’ennuyer ou de ne pas trouver de quoi parler. La scolarité étant un domaine connu, on se retrouve en zone de confort.
En dehors des cours, il y a les repas communs, la vie de Maison de magie, mais aussi les clubs. Les clubs de duellistes, les clubs d’intellectuels, les clubs d’échecs, les clubs secrets… Et tout ce que vous pourrez inventer par vous-mêmes. Encore une occasion de se réunir et de tisser des liens forts, d’avoir des secrets, et de résoudre des affaires.
Vous avez votre planning pour la journée, vous n’avez pas le temps de vous ennuyer, le temps passe à une vitesse folle, on se laisse porter très agréablement dans cette tranche de vie.
Vous êtes dans un tout cohérent.
Tout est fait pour une intégration absolue : en multipliant les groupes, vous multipliez les interactions, les icebreakers, et donc les prétextes de rencontrer des gens.
Vous pouvez vite vous retrouver à jouer une version proche de vous-même en légèrement différent, ce qui a un aspect complètement rassurant, mais attention au risque de bleed (sentiments du personnage qui deviennent réels pour le joueur) !
Vous pourrez vous faire des vrais amis, de vrais ennemis…
En parlant de bleed, il y a le bal de fin d’année. Forcement il y a une dérive vers une tension sexuelle assumée. Il vous faudra trouver un partenaire, le séduire, aller au bal avec… Et plus si affinités.
Une dimension adulte.
Le sexe (réel) est assumé dès le briefing du jeu : « Vous êtes des adultes, faites ce que vous voulez, soyez prudents. Si vous voulez aller vers une dérive sans que ça gêne votre partenaire de jeu pour qui ça ne serait pas clair, proposez ‘un rendez-vous à la tour’. C’est un lieu de rendez-vous connu pour ça par les étudiants. »
Au début j’ai trouvé ça un peu dérangeant, mais au final j’ai trouvé ce discours intéressant, sans tabou, évitant les malaises et les intentions mal comprises.
De même avec l’alcool, on nous demande de faire attention, mais chacun est responsable de lui-même. Une taverne est à disposition le soir, à partir de 22h, et il faut faire le mur pour y aller.
On explique également au briefing que vous pouvez ressentir les choses trop intensément, et que vous aurez besoin de redescendre émotionnellement. On vous invite alors à vous rendre dans une zone où on pourra prendre soin de vous pour un break.
Une afterparty est là pour aider les gens à décompresser, parler, se lier, se faire des hugs…
J’ai été admiratif de voir que la communauté internationale de GN est aussi belle que la communauté francophone : des hugs, des personnes ouvertes et sensibles, de l’amitié.
Bilan :
C’est un GN ambiance très fort, une tranche de vie. Je l’ai vécu comme tel. Je me suis fait des amis, des ennemis, des alliés, une petite amie, une partenaire pour le bal de fin d’année, je me suis fait remarquer en bien et en mal, j’ai fait le show, j’avais un réseau, je faisais partie d’une communauté, j’ai chanté l’hymne de l’école avec ferveur et j’ai exploré ce sublime château et ses passages secrets.
La limitation est la notre. J’ai mis un peu de temps à accepter le fait que tout était possible n’importe quand. Que la magie était partout et qu’on pouvait l’utiliser et en abuser.